Le Golfe déstabilisé par l’embargo contre le Qatar

June 11, 2018

Il y a un an, l’Arabie saoudite et ses alliés espéraient, grâce à un sévère blocus, faire plier le petit mais richissime émirat gazier, jugé trop indépendant. C’est raté. Et la crise dure…

Doha. De notre envoyé spécial

Le pied de nez du petit Qatar à son grand voisin saoudien a la tête d’une vache prim’holstein. À 30 km de la capitale Doha, à l’intérieur de hangars posés en plein désert, elles sont 10 000 à avoir débarqué par bateaux des États-Unis. Elles défilent, quatre fois par jour, sur des machines de traite automatisées et ultramodernes. La société Baladna fournit désormais 100 % du lait frais de l’émirat et une bonne partie des yaourts, des fromages frais…

Il y a un an, la ferme de Baladna n’existait pas. Le lait et ses dérivés étaient produits ou transitaient par l’Arabie saoudite. « Avec leur blocus, ils ont perdu tout le marché »,s’amuse Chris Blakeny, un Britannique recruté pour faire tourner l’exploitation et ses 350 employés.

Même pas mal !, répètent tous les responsables qataris, un an après la brutale rupture des relations imposées par l’Arabie, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte. Le choc a pourtant été rude. La seule frontière terrestre fermée, l’espace aérien des voisins interdit, des centaines de Qataris expulsés des pays appliquant le boycott… Surtout, à part son gaz, le Qatar ne produit rien. Et importe tout. « La surprise fut totale. En quelques jours, il a fallu revoir tous nos circuits logistiques, mettre en place un pont aérien pour acheminer la nourriture, notamment de Turquie, se souvient Aziz Ahmed Aluthman, secrétaire d’État aux Finances. Au bout de deux mois, tout était rentré dans l’ordre. »

La crainte demeure

Aluthman estime que « l’embargo a même eu un effet positif. Cela a réveillé les Qataris ». Ils font bloc derrière leur émir, le jeune Tamim bin Hamed al-Thani. Son portrait, cheveux au vent, dessiné et diffusé par un jeune internaute au début de la crise, a fleuri sur les murs, les voitures…

Certains ont sorti le chéquier. Comme le milliardaire, propriétaire de Baldana, qui a investi sept milliards d’euros dans l’aventure du lait.

Le Qatar a pu compter sur ses immenses ressources financières (lire ci-dessous). Mais la crainte demeure. Face aux armadas émiratie et saoudienne, les 24 avions Rafale français ne pèsent pas lourd. Beaucoup estiment que la présence au Qatar de la plus grande base américaine au Moyen-Orient (11 000 hommes), QG des opérations contre Daech, lui a sauvé la mise.

Conscients du rapport de force, les officiels qataris multiplient les initiatives pour s’assurer davantage de soutien international. « Ils ont vraiment eu peur. Alors, ils se sont mis à bosser pour contrer le Qatar bashing », rapporte une communicante française, en contrat avec Doha.

Les accusations portées par ses voisins contre le Qatar font sourire. Soutien au terrorisme ? Certes, de l’argent qatari est arrivé dans les caisses de groupes islamistes syriens, opposés au régime Assad, mais l’Arabie saoudite et les Émirats ont fait de même. « Les Occidentaux aussi, au début », rappelle avec malice le général Al-Ansari, patron du contre-terrorisme. Quant au rapprochement avec l’Iran, cela fait vingt ans que le Qatar partage son plus gros gisement gazier avec Téhéran…

L’embargo a tourné au fiasco. En attendant les conséquences sont là : en voulant mettre au pas « l’indiscipliné » Qatar, les très autocrates dirigeants saoudiens et émiratis ont fait exploser le Conseil de coopération du Golfe, qui constituait le dernier pôle de stabilité dans la région.

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